TOUTE LA FRANCE FREDONNE...
Tour à tour, les Français fredonneront "Fleur de Paris", “Le gros Bill”, “Paris Tour Eiffel”, “Le Porte Bonheur”, “Le Régiment des Mandolines”.
A partir de 1948, arrivent “C’est si bon”, “Où vas-tu Basile?”, “Maître Pierre”, puis “Etoile des Neiges”, “Soleil Levant”, “La France en rose”.
A noter, aussi quelques belles réussites jazzy ou instrumentales, telles que "A la Kenton", "Vieille Canaille", "Malaguena", "Galloping Comedians" ou, un peu plus tard, "Train Boogie" .
Les 3 films tournés par l’orchestre entre 1950 et 1952 (“Pigalle St Germain des Près”,
“ Musique en Tête” et “Tambour Battant”) produiront une bonne dizaine de tubes tels que "A St Germain des Prés", "Malgré tout", "Musique en tête", "Tout là-haut", "L'amour se joue", "Un amour vient de naître", "Tambour Battant", "Pour rester près de vous", auxquels s’ajouteront "La petite valse", “Sous le ciel de Paris”, "Tire tire l'aiguille", “Les Carabiniers de Castille”, “Titine”, “Ma petite Folie”, "Voyage à Cuba", puis “Je te le le”, “Istamboul”, “Jambalaya”, et tant d’autres qu’il serait fastidieux d’énumérer ici...
Nous publions par ailleurs la liste complète des chansons de Jacques Hélian.
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TEMPS FORTS
LE PORTE- BONHEUR
Nous sommes en 1946 ; pour lancer sa chanson «Le Porte Bonheur », Jacques Hélian demande à l’éditeur de fabriquer des petits cochons en tôle pliée ; il annonce un jour à la radio qu’il les enverra aux premiers auditeurs qui en feront la demande. Il en met 1000 en fabrication, se disant qu’il en enverrait 5 ou 600.
Les demandes arrivent de partout : Jacques Hélian reçoit même une lettre sur l’enveloppe de laquelle on avait dessiné un petit cochon en guise d’adresse avec ces mots : « aux bons soins du facteur ».
Lorsqu’il met fin à l’opération avant qu’elle ne devienne totalement incontrôlable, Jacques Hélian a envoyé 230 000 porte-bonheur!
Ecouter Le Porte Bonheur
ETOILE DES NEIGES
1949 : Un jour où il fouinait chez un éditeur, Jacques Hélian mit la main sur un air suisse qui s’appelait « For ever and ever » . Personne ne semblait intéressé. On écoute. « C’est exactement ce qu’il me faut ». Le soir même, coup de téléphone au parolier Jacques Plante à qui Hélian demande d’écrire des paroles françaises.
Plante revient quelques jours plus tard avec un texte pas trop convaincant. « Que voulais-tu que je raconte ? » - « Je ne sais pas » dit Hélian. « la montagne, la Savoie ; je vois un berger amoureux d’une bergère ; ils veulent se marier mais ils sont fauchés ; donc le berger part à la ville faire le ramoneur… » - « Mais c’est con ton truc » interrompt Plante. « C’est con » dit Hélian, « mais c’est ça qu’il faut ». Ainsi naquit "Etoile des Neiges" qui va devenir un succès phénoménal.
Un succès qu'étrangement, Jacques Hélian défendit peu par la suite. "Etoile des Neiges" ne figura pas longtemps dans les programmes de scène ou de radio, même après qu'un disque d'or lui ait été décerné pour cette chanson.
Quant aux deux autres versions qu'il enregistra plus tard, elles firent surtout apparaitre la supériorité de la première, dont l'arrangement, très sobre, fut l'une des grandes réussites de René Beaux..
Ecouter Etoile des Neiges
AMERIQUE DU NORD 1950
Octobre 1950 : Jacques Hélian remplit les 5000 places du Gaumont-Palace à Paris… 30 fois consécutives; puis l’orchestre s’envole pour Montréal où il a un contrat d’une semaine dans un grand cinéma de la rue St Denis.
Pour répondre à la demande, il joue 5 fois par jour, 1h30 chaque fois, de midi à minuit. Claude Evelyne raconte : « Il y avait 6000 places et chaque fois 6000 personnes, et au bout d’une semaine, c'était toujours la même file d’attente interminable. Cette fois-là, je n’ai rien vu de Montréal… ».
L’orchestre ne vit rien, non plus, de New York où il avait, dans la foulée, un engagement dans une grande salle de Broadway ; mais le tout-puissant « Syndicat des Musiciens Américains » fit capoter le projet en refusant, purement et simplement, d'accorder les autorisations de travail.
Ce contretemps occasionna un trou de 2 semaines, mais donna l’occasion à Jacques Hélian de rencontrer Nat King Cole, Jimmy Dorsey, Stan Kenton et Shorty Rogers. Ce dernier lui offrit la partition de l’arrangement qu’il venait d’écrire pour Woody Herman de « You Rascal You », dont Hélian, sitôt de retour en France, fit « Vieille Canaille ».
Ecouter le Jazz Medley Ecouter Vieille canaille Voir Jacques Hélian et le jazz
MA PETITE FOLIE
Fin janvier 1952 : Jacques Hélian lance à la radio un air venu d’Amérique qui s’appelle « Ma petite folie » ("My truly truly fair"). Il le joue une ou deux fois et ne l’enregistrera que 3 mois plus tard.
Début du mois de mars : concert à Marseille. Dès l’indicatif d’ouverture, le tohu-bohu s’installe dans la salle. Des jeunes scandent : « Jacques, Ma petite folie ». Problème, car la chanson n’est pas encore au répertoire de scène et la partition est restée à Paris.
Jacques Hélian essaie de calmer les esprits et, sitôt la fin du concert, téléphone à Paris et, dès le lendemain matin, c’est un employé du train Paris-Marseille qui acheminera la précieuse partition.
« Ma petite folie » fera l’ouverture du concert du soir au milieu des acclamations.
Ecouter Ma Petite Folie
RENCONTRE AVEC BREL
Nous sommes en 1954. Jacques Hélian et son orchestre sont en concert à Bruxelles. Un jeune homme timide se dirige vers Hélian et lui propose une chanson. Il s'appelle Jacques Brel; elle s'appelle "Il peut pleuvoir".
La chanson est mise au répertoire de l'orchestre. Jacques Hélian raconte: "Je lui serrai la main, ne me doutant pas que, derrière son sourire crispé, se cachait un si fabuleux talent. Cette chanson est, à ma connaissance, sa première oeuvre diffusée. En fidèle admirateur de cet artiste, je l'ai souvent applaudi, mais jamais je n'ai osé lui rappeler cette courte entrevue de Bruxelles!".
C'est la première fois, en France en tout cas, que l'on va entendre parler du Grand Jacques...
Ecouter Il Peut Pleuvoir
C'est Jacques Hélian lui-même qui raconte ces anecdotes dans son livre "Les Grands Orchestres de Music-hall en France" , auquel nous avons également emprunté quelques unes des photographies qui apparaissent dans ce site.
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LES CONCERTS
A guichets fermés.
Jacques Hélian raconte:
"Un spectacle de deux heures trente est mis sur pied. Programme de variétés comprenant de la gaieté, du rythme, des chansons, de la musique et des sketches, le tout bien dosé pour satisfaire tous les publics. Pour subsister, il fallait que les salles soient pleines : elles le furent et cela devait durer quelques années. Partout où nous passions, les locations allaient s’enlever très vite. Arrivant dans un théâtre, j’allais demander avant toute chose : « Combien a-t-on refusé de personnes ce soir ? »
Beaucoup de salles, notamment dans les villes moyennes, n'étaient pas immenses. C'est donc le plus souvent en quelques heures que toutes les places mises à la location étaient vendues. Quand c'était possible, on multipliait les prestations. Les salles ne désempliront pas jusqu'en 1955.
Une "pêche" d'enfer...
Cela se voit, s'entend, se sent: tous ces artistes sont heureux de faire ce qu'ils font.
Nous dirions de nos jours qu'ils "s'éclatent". Et cette "joie de vivre", qui fut la devise de Jacques Hélian, est communicative. Elle crée une connivence avec le public, lequel est d'autant plus preneur de cette ambiance qu'une fois rentré chez lui, il retrouvera ses difficultés quotidiennes: crise du logement, inflation galopante, guerre d'Indochine...l'embarras du choix. Mais à cette époque, l'optimisme reprend toujours le dessus: l'"ascenseur social" fonctionne et chacun ne doute pas que les choses iront en s'améliorant et que les jeunes feront mieux que les anciens.
Sur le plan musical, ce fil conducteur fait d'un dynamisme qui ne s'est jamais démenti n'a pas empêché l'orchestre d'évoluer. Entre "Fleur de Paris" et "Titine" par exemple, six années ont passé pendant lesquelles le groupe s'est étoffé et les arrangements des morceaux sont devenus beaucoup plus complexes. Mais la signature d'Hélian est restée parfaitement identifiable, reconnaissable entre mille.
Un âge d'or a toujours une fin. Sans doute, comme le dit encore Daniel Nevers, la formule avait-elle déjà fait son temps lorsque le rock est venu lui donner l'estocade.
Elle n'en reste pas moins une page flamboyante dans la musique populaire Française de l'après-guerre.
Roland Fauré par jour pendant 1